La musique, comme l’art en général, n’a pas vocation à se dévoiler dans l’instant, mais devrait inviter à l’écoute a posteriori, dans la mémoire de l’auditeur.
Une orientation unique de la perception par un impact spectaculaire sans différenciation ni articulation formelle transforme la partition en un objet de consommation immédiate, aussitôt oublié. Ce genre de produit sonore a quelque chose d’antidémocratique : il ne laisse aucun choix à l’auditeur-consommateur, c’est même un obstacle à la pensée et au sentiment personnels. Il est à noter que ce type d’œuvre évite le plus souvent toute dimension mélodique, donc de chant, de contrechant et de polyphonie, ces caractéristiques et ces dimensions musicales qui représentent pour moi une métaphore de l’espace démocratique et ontologique. Les exclure a priori, pour se limiter à des textures globales indifférenciées, m’apparaît comme un autre écueil.
L’écoute s’inscrit dans des relations que la notation a dû conquérir pas à pas, du moment que l’écriture paramétrique ne pouvait plus exprimer tous les phénomènes sonores mis en jeu. La variété des sonorités en acte, par des relations de notes et/ou de sons complexes ou bruités, a contribué à élargir l’espace relatif des hauteurs à un espace relatif des fréquences, des timbres et des sonorités. Et c’est à l’intérieur de cet espace que se joue la musique d’aujourd’hui.
Concevoir et écouter ainsi la musique, c’est étendre notre perception et notre entendement. L’espace des possibles est ouvert et pluriel, au-delà de la malédiction des malentendus.
Frédéric Durieux