J'ai habité plus de dix ans en Inde de 1980 à 1991 pour apprendre la musique indienne, y retournant jusqu’en 1995, l’année du décès de mon dernier maître. J’ai appris dans les règles de l’art la tradition orale avec ces maîtres issus de lignées appelées gharana, venant du mot « ghar » qui veut dire « maison », où l’enseignement se transmet de maître à disciple depuis des générations. Le nom de cet enseignement est talim, un terme qui inclut à la fois le mode de transmission, le répertoire et l’habileté qui nous sont inculqués pour créer du nouveau avec ces connaissances.
Après une brève introduction à Agra j’ai trouvé mon premier maître de sitar, Ramdas Chakravarty à Bénarès, puis, en remontant la lignée j’appris avec le doyen de cette gharana, Mushtaq Ali Khan, puis en remontant à la source même de la musique j’ai étudié le chant avec Bal Chandra Patekar.
Mon maître de chant, m’observant chanter un jour l’air songeur, me dit : « Cette musique exige une transformation totale de la personnalité ! » Je ne sais s’il constatait un état de fait, ou s’il annonçait le programme à venir, mais quand le ras’ secoue nos atomes, il reconfigure notre psyché. On hérite d’une autre sensibilité comme si on découvrait un nouvel organe en soi, vivant et vibrant ; sensibilité parfois exacerbée mais toujours sans regrets, car qui ne cherche pas la transformation ? et quel aveugle miraculé voudrait reperdre la vue parce qu’il ne voit pas toujours des belles choses ?