Près de vingt ans après la mort du compositeur Olivier Greif (1950-2000), alors que des musiciens qui l’ont connu et admiré jouent encore ses œuvres, de nombreux jeunes interprètes les découvrent. Elles étonnent et bouleversent le public, ce qui est exactement ce que désirait le compositeur : “Je ne compose que pour toucher, pour émouvoir, pour bouleverser, pour élever, pour charrier à terre”, écrivait-il.
La composition d’une musique intense et poignante, semblable à nulle autre, ne suffisait pas à exorciser les démons et apaiser les angoisses de ce créateur exalté et tourmenté, avançant sans répit dans une quête impossible de l’absolu : il avait besoin d’écrire non seulement des notes, mais aussi des mots.
Il a couvert des milliers de pages du 11 janvier 1971 au 12 mai 2000, veille de sa mort. Il baptise son travail « journal », tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’un journal, mais d’une sorte de carnet de bord. Il note ce qui lui passe par la tête : les évènements du jour, des analyses de sa musique et de celle des autres compositeurs, des considérations sur la littérature et la peinture, des propos tenus par Salvador Dali ou Olivier Messiaen, des conversations entendues dans l’autobus. Il recopie dans son journal les nombreuses lettres qu’il envoie. Si sa musique était en général sombre ou, comme il le disait, « sérieuse », Olivier lui-même aimait beaucoup plaisanter. Ses textes sont souvent drôles et toujours très vivants.
Le journal dessine les contours d’une vie peu ordinaire. Enfant prodige, pianiste exceptionnel, lauréat du prix de composition du Conservatoire à dix-sept ans, élève puis assistant de Luciano Berio aux États-Unis, il interrompt une carrière prometteuse pour devenir le disciple et Kapellmeister d’un gourou indien établi à New York. Ses écrits permettent d’entrevoir ce qu’il cherchait dans son engagement spirituel, ce qu’il a trouvé, pourquoi il est revenu à la composition au bout de dix ans.
Jean-Jacques Greif